SOUS-TRAITANT : HEROS DE L’OMBRE OU MAILLION FAIBLE ?
Avec l’essor du numérique et l’accroissement des exigences réglementaires en matière de protection des données personnelles, la sous-traitance est devenue une pratique incontournable pour de nombreuses organisations. Qu’il s’agisse d’hébergement de données, de gestion des systèmes d’information, de marketing ou de support client, de nombreuses entreprises font appel à des prestataires externes pour traiter des informations personnelles. Toutefois, ce recours à un sous-traitant n’exonère pas le donneur d’ordre de ses obligations légales. Comment définir le rôle du sous-traitant en matière de protection des données ? Quelles sont ses responsabilités et comment encadrer efficacement cette relation ?
Qui est le sous-traitant en matière de protection des données ?
En matière de protection des données personnelles, le sous-traitant est défini par l’article 4 du Règlement général sur la protection des données (RGPD) comme toute entité qui traite des données personnelles pour le compte du responsable du traitement, selon ses instructions.
De même, la loi N°2017-20 du 20 avril 2018 portant Code du Numérique en République du Bénin modifiée par la loi N°2020-35 du 06 janvier 2021 défini le sous-traitant comme : « toute personne physique ou morale, publique ou privée, tout autre organisme ou association qui traite des données pour le compte du responsable du traitement ».
Contrairement au responsable de traitement, qui détermine les finalités et les moyens du traitement, le sous-traitant exécute des tâches précises sans prendre d’initiative sur l’usage des données.
Concrètement, un sous-traitant peut être une entreprise de cloud computing qui héberge des bases de données clients, un prestataire de service de paiement en ligne, une agence de marketing digital qui gère des campagnes ciblées, ou encore un prestataire de maintenance informatique ayant accès à des fichiers contenant des données personnelles.
Les obligations du sous-traitant
Avec l’entrée en vigueur du RGPD et du Code du Numérique du Bénin, les sous-traitants sont soumis à des obligations strictes qui visent à garantir un traitement sécurisé et conforme des données personnelles.
Tout d’abord, ils doivent traiter les données uniquement sur instruction du responsable de traitement et ne peuvent pas les utiliser à d’autres fins. Cela signifie qu’un sous-traitant qui exploiterait des données à son propre compte, sans l’autorisation explicite du responsable de traitement, violerait la réglementation.
Ils doivent également mettre en place des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer la sécurité des données. Cela inclut la mise en place de protocoles de chiffrement, des systèmes de contrôle d’accès, des audits de sécurité réguliers et la formation des employés aux bonnes pratiques en matière de protection des données.
L’une des obligations majeures du sous-traitant est l’obligation de transparence et de traçabilité. Il doit tenir un registre des activités de traitement effectuées pour le compte du responsable de traitement et être en mesure de démontrer sa conformité en cas de contrôle par une autorité de protection des données.
En cas de violation de données personnelles, le sous-traitant a l’obligation d’alerter son client dans les meilleurs délais afin que ce dernier puisse évaluer la nécessité de notifier l’incident à l’autorité de contrôle compétente et aux personnes concernées.
Enfin, un sous-traitant ne peut pas recourir à un autre sous-traitant (sous-traitance en cascade) sans l’autorisation écrite préalable du responsable de traitement. Il doit s’assurer que tout sous-traitant ultérieur applique des mesures de protection équivalentes aux siennes.
Le contrat de sous-traitance : un cadre juridique indispensable
Pour encadrer la relation entre le responsable de traitement et le sous-traitant, le RGPD impose la signature d’un contrat de sous-traitance conforme à l’article 28 du règlement. Ce contrat doit détailler plusieurs éléments clés, notamment :
- La finalité et la durée du traitement confié au sous-traitant.
- La nature des données traitées et les catégories de personnes concernées.
- Les obligations et responsabilités du sous-traitant en matière de sécurité, de confidentialité et de respect des instructions du responsable de traitement.
- Les conditions de recours à un sous-traitant ultérieur.
- Les modalités de restitution ou de suppression des données à la fin du contrat.
Quant au Code du Numérique du Bénin, l’article 386 alinéa 5 stipule que : « le responsable de traitement, ou, le cas échéant, son représentant en République du Bénin, doit fixer dans le contrat, la responsabilité du sous-traitant à l’égard du responsable du traitement et les obligations incombant au sous-traitant en matière de protection de la sécurité et de la confidentialité des données ».
Un contrat mal rédigé ou insuffisamment détaillé peut exposer le responsable de traitement à des risques juridiques en cas de non-conformité ou de violation de données.
Quels risques en cas de non-conformité ?
Selon le RGPD, les sous-traitants sont désormais directement responsables en cas de non-respect de leurs obligations en matière de protection des données. Ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial, selon la gravité du manquement.
Revenant à notre contexte national, les dispositions de l’article 452 et suivants du livre V du Code du Numérique prévoient des sanctions pouvant aller d’avertissement, en passant par la confiscation des supports matériels des données, l’interdiction de gestion de toute société pendant 02 ans maximum, des amendes allant jusqu’à 100.000.000 F CFA ainsi que des peines privatives de liberté allant jusqu’à 10 ans.
Au-delà des sanctions financières, un manquement aux obligations de protection des données peut nuire à la réputation d’un sous-traitant et entraîner la perte de clients. Les entreprises sont aujourd’hui de plus en plus vigilantes dans le choix de leurs partenaires et privilégient les prestataires pouvant démontrer une conformité stricte aux réglementations.
Bonnes pratiques pour un sous-traitant en protection des données
Pour garantir une relation de confiance avec ses clients et assurer une conformité continue, un sous-traitant doit adopter plusieurs bonnes pratiques.
Il est essentiel de désigner un délégué à la protection des données (DPO) lorsque cela est requis et de mettre en place une politique interne de protection des données claire et accessible à tous les employés. Une formation régulière des équipes est également indispensable pour prévenir les erreurs humaines, qui sont souvent à l’origine des incidents de sécurité.
Le sous-traitant doit également être en mesure de documenter toutes les mesures mises en place pour sécuriser les données et faciliter la coopération avec le responsable de traitement en cas d’audit ou de demande d’information par une autorité de contrôle.
Enfin, il est recommandé de réaliser des audits de conformité et de s’appuyer sur des certifications reconnues (par exemple, ISO 27001, Hébergement de Données de Santé en France) pour rassurer ses clients et se démarquer sur le marché.
Le sous-traitant joue un rôle clé dans la protection des données personnelles, mais sa mission ne se limite pas à l’exécution technique des traitements. Il est soumis à des exigences strictes en matière de conformité et de sécurité, et doit collaborer étroitement avec le responsable de traitement pour garantir une gestion sécurisée des données.
Dans un environnement où la réglementation et les attentes des consommateurs en matière de protection de la vie privée sont de plus en plus strictes, les sous-traitants doivent non seulement respecter leurs obligations légales, mais aussi renforcer la confiance de leurs partenaires. La mise en place de pratiques rigoureuses et transparentes est aujourd’hui un atout majeur pour se différencier et garantir une relation durable avec les entreprises qui leur confient des données. Une chose est sûre : dans un monde où la data est reine, négliger ses sous-traitants, c’est prendre le risque de voir son château fort s’écrouler. Et vous, comment évaluez-vous la fiabilité de vos sous-traitants ? La question mérite d’être posée, car elle pourrait bien déterminer la résilience de votre organisation demain
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