Levée de fonds en cryptomonnaies au Bénin : cadre légal, limites et solutions pour l’ouverture internationale
Les levées de fonds en cryptomonnaies, via des Initial Coin Offerings (ICO) ou Security Token Offerings (STO), transforment le financement des entreprises en permettant un accès direct aux investisseurs mondiaux grâce à la blockchain.
Au Bénin, où les secteurs de la fintech et de l’agritech sont en plein essor, ces mécanismes offrent une alternative aux financements traditionnels. Cependant, leur statut juridique reste flou : sont-elles légales ? Quelles obligations les entreprises doivent-elles respecter ?
Le Code du numérique (Loi 2017-20) ne fournit pas un cadre adapté, exposant les startups à des risques juridiques. Comment, dès lors, saisir les opportunités internationales ?
Le cadre juridique international : des normes strictes pour les ICO et STO
Les levées de fonds en cryptomonnaies, souvent transfrontalières, doivent se conformer à des cadres juridiques internationaux rigoureux, qui influencent les pratiques au Bénin.
Union européenne : Loi Pacte et MiCA
- Loi Pacte (France, 2019) : Introduit un cadre pionnier pour les ICO avec un visa optionnel délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce visa exige un document d’information (white paper) détaillant le projet, les droits des tokens, les risques, et les mesures contre le blanchiment d’argent (LCB-FT). Les ICO sans visa sont légales mais ne peuvent pas cibler le grand public via des publicités. En 2023, l’AMF a signalé que 80 % des ICO françaises sans visa présentaient des risques de fraude.
- Règlement MiCA (Markets in Crypto Assets, 2023) : Applicable depuis décembre 2024 (juin 2024 pour les stablecoins), MiCA impose :
- Un livre blanc notifié pour chaque ICO, précisant le modèle économique et les risques.
- Un agrément pour les émetteurs de stablecoins (tokens adossés à des actifs).
- Des mesures LCB-FT et un droit de rétractation pour les investisseurs.
- Des sanctions pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial pour non-conformité.
MiCA établit un standard global, obligeant les entreprises béninoises ciblant l’Europe à se conformer.
États-Unis : une approche centrée sur les titres financiers
La Securities and Exchange Commission (SEC) classe les tokens comme des titres financiers (securities) s’ils confèrent des droits à dividendes ou des parts de capital, comme dans les STO. L’affaire SEC v. Ripple Labs (2020-2024) a établi que la vente non enregistrée de tokens XRP violait les lois boursières, entraînant une amende de 125 millions USD. Les utility tokens, offrant un accès à un service (par exemple, une plateforme fintech), échappent à cette classification, mais exigent une transparence accrue pour éviter les accusations de fraude.
Le cadre juridique béninois : un environnement peu propice
Au Bénin, la Loi 2017-20 portant Code du numérique encadre les activités numériques, mais ne mentionne pas explicitement les ICO ou STO, créant une zone grise juridique. Les articles pertinents incluent :
- Article 19 : Définit la responsabilité des intermédiaires numériques, sans préciser si les émetteurs de tokens sont des hébergeurs ou des éditeurs. Cette ambiguïté expose les entreprises à des interprétations imprévisibles par les autorités compétentes, comme l’ASIN, le CNIN, l’ARCEP, ou l’APDP.
- Articles 391-429 : Imposent la protection des données personnelles, obligeant les émetteurs à sécuriser les informations des investisseurs (par exemple, via des processus KYC). Le non-respect peut entraîner des amendes ou des interdictions d’opérer par l’APDP.
Limites du cadre béninois
Le Code du numérique ne définit pas le statut juridique des tokens (utilitaires ou financiers), rendant les ICO/STO ni explicitement légales ni illégales. Cette insécurité juridique peut décourager les investisseurs.
De plus, contrairement à la France (taxation des plus-values à 30 %, article 150 VH bis, Code général des impôts), le Bénin n’a pas de régime fiscal clair pour les cryptomonnaies, exposant les entreprises à des redressements fiscaux imprévus.
Enfin, l’ASIN, le CNIN, l’ARCEP, et l’APDP n’ont pas de mandat spécifique pour superviser les ICO/STO, contrairement à l’AMF ou à la SEC. L’APDP se concentre sur la protection des données, tandis que l’ARCEP régule les télécommunications, laissant les aspects financiers des cryptomonnaies sans encadrement.
En conclusion, le Code du numérique, conçu pour la cybersécurité et la protection des données, n’offre pas un cadre propice aux levées de fonds en cryptomonnaies. Cette lacune pourrait freiner l’innovation locale et exposer les entreprises à des risques juridiques et financiers.
Solutions pour ouvrir les innovations béninoises aux opportunités internationales
Si les levées de fonds en cryptomonnaies ne sont pas clairement légales au Bénin, les entreprises peuvent tout de même contourner les limites du Code du numérique en adoptant des stratégies alignées sur les normes internationales.
- Structurer une ICO à l’international : Créer une entité juridique dans une juridiction favorable, comme la France (visa AMF, Loi Pacte) ou un pays appliquant MiCA, pour bénéficier d’un cadre clair et accéder aux investisseurs européens. Par exemple, une startup béninoise peut établir une filiale à Paris pour lancer une ICO conforme.
- Se conformer à MiCA : Préparer un livre blanc détaillant le projet, les risques, et les mesures LCB-FT, anticipant les normes européennes et renforçant la crédibilité auprès des investisseurs mondiaux.
- Respecter le RGPD et le Code du numérique : Intégrer des processus KYC robustes pour sécuriser les données des investisseurs.
- Solliciter des experts : Collaborer avec des juristes béninois pour naviguer le cadre local et des cabinets internationaux pour respecter MiCA ou les exigences de la SEC.
- Utiliser des plateformes établies : Lancer son ICO sur des plateformes comme Ethereum ou Binance, qui intègrent des mécanismes de conformité (KYC, LCB-FT), réduisant les risques juridiques.
Les levées de fonds en cryptomonnaies offrent un potentiel immense pour les startups béninoises, mais le cadre juridique local, centré sur le Code du numérique, n’est pas propice en raison de son ambiguïté et de l’absence de supervision dédiée.
Les entreprises béninoises peuvent contourner ces obstacles pour accéder aux opportunités mondiales en adoptant une gouvernance rigoureuse à même de transformer l’innovation locale en succès international.
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