LES SURETES MOBILIERES DANS L’ESPACE OHADA : UN LEVIER DE FINANCEMENT SOUS-EXPLOITÉ ?

Le financement des entreprises et des entrepreneurs dans l’espace OHADA repose en grande partie sur l’accès au crédit. Cependant, l’un des principaux obstacles à ce financement est le manque de garanties offertes aux créanciers. Les sûretés mobilières constituent pourtant un mécanisme juridique efficace permettant d’accroître l’octroi de crédits en sécurisant les créances des prêteurs. L’Acte Uniforme révisé portant organisation des sûretés, adopté en 2010, a modernisé le cadre légal des garanties sur les biens mobiliers pour le rendre plus attractif et opérationnel.

Malgré les réformes apportées par l’Acte Uniforme, pourquoi le recours aux sûretés mobilières demeure-t-il encore limité dans la pratique ? Quels sont les freins qui empêchent leur adoption à grande échelle ? A travers cet article, nous vous proposons d’examiner les différentes sûretés mobilières existantes, en quoi elles constituent des opportunités pour le financement des entreprises et quels défis doivent être surmontés pour en optimiser l’utilisation.


I. Définition et classification des sûretés mobilières

Les sûretés mobilières sont des garanties consenties à un créancier sur des biens meubles appartenant au débiteur ou à un tiers, en vue d’assurer l’exécution d’une obligation. Elles sont régies par l’Acte Uniforme de l’OHADA et se divisent en deux grandes catégories :

  1. Les sûretés mobilières avec dépossession : le débiteur remet physiquement le bien au créancier.
  2. Les sûretés mobilières sans dépossession : le débiteur conserve la possession du bien, mais celui-ci est juridiquement affecté à la garantie de la dette.

II. Les principales sûretés mobilières prévues par l’OHADA

1. Le gage de meubles corporels

Le gage est l’un des mécanismes de sûreté les plus connus. Il consiste à remettre un bien meuble au créancier pour garantir le paiement d’une dette.

  • Exemple : Un commerçant met en gage son stock de marchandises auprès d’une banque en échange d’un crédit de trésorerie.
  • Avantages : Sécurise fortement le créancier en lui accordant un droit de rétention sur le bien.
  • Inconvénients : Peut être contraignant pour le débiteur, qui perd l’usage du bien gagé.

2. Le nantissement de meubles incorporels

Le nantissement concerne les biens immatériels tels que les créances, les droits d’associés, les valeurs mobilières ou les droits de propriété intellectuelle.

  • Exemple : Une entreprise technologique nantit un brevet en garantie d’un prêt bancaire.
  • Avantages : Permet de valoriser des actifs immatériels pour obtenir du financement.
  • Inconvénients : Peut être difficile à évaluer et à liquider en cas de non-paiement.

3. La réserve de propriété

Ce mécanisme permet à un vendeur de se réserver la propriété d’un bien jusqu’au paiement intégral du prix.

  • Exemple : Un fournisseur vend des équipements à une PME avec une clause de réserve de propriété jusqu’au règlement complet.
  • Avantages : Sécurise les fournisseurs en cas d’insolvabilité de l’acheteur.
  • Inconvénients : Nécessite une formalisation rigoureuse pour être opposable aux tiers.

4. La cession de créance à titre de garantie

Elle permet à un débiteur de transférer une créance qu’il détient sur un tiers à son créancier en garantie d’un financement.

  • Exemple : Une entreprise cède à une banque ses créances clients en contrepartie d’un financement.
  • Avantages : Permet d’accélérer le recouvrement des créances.
  • Inconvénients : Peut être limité par la solvabilité des clients débiteurs.

5. Le droit de rétention

Il permet à un créancier de retenir un bien appartenant au débiteur jusqu’au paiement de sa dette.

  • Inconvénients : N’est applicable que sous certaines conditions strictes.
  • Exemple : Un garagiste refuse de restituer un véhicule jusqu’au règlement des frais de réparation.
  • Avantages : Offre une pression efficace pour obtenir le paiement.

III. Enjeux et défis de l’exploitation des sûretés mobilières

Malgré leur potentiel, les sûretés mobilières demeurent peu utilisées dans l’espace OHADA en raison de plusieurs défis. D’abord, la méconnaissance des entrepreneurs et des créanciers financiers constitue un frein majeur. Beaucoup ignorent les opportunités qu’offrent ces garanties. Ensuite, les formalités administratives liées à l’inscription et à l’opposabilité des sûretés mobilières sont souvent jugées complexes, ce qui décourage leur adoption.

De plus, bien que les créanciers disposent d’un cadre juridique pour faire valoir leurs droits, la réalisation des garanties en cas de défaillance reste problématique en raison des lourdeurs judiciaires. Par ailleurs, les institutions financières privilégient encore les sûretés immobilières, estimant qu’elles offrent une meilleure garantie que les actifs mobiliers, dont la liquidité est plus incertaine. L’absence de plateformes centralisées et de mécanismes efficaces de recouvrement nuit également à la confiance des prêteurs. De nombreux créanciers hésitent à accepter des sûretés mobilières en raison du manque de visibilité sur la valeur réelle des biens mis en garantie, ainsi que des risques liés à leur éventuelle dépréciation. Les procédures de saisie et de revente des biens gagés ou nantis sont encore marquées par une lenteur administrative qui limite leur efficacité en cas de défaillance du débiteur.

IV. Perspectives et recommandations

Pour renforcer l’utilisation des sûretés mobilières et améliorer leur efficacité, plusieurs actions doivent être mises en œuvre. Il est important de simplifier les procédures d’inscription et de publicité des sûretés afin de faciliter leur opposabilité aux tiers. Une sensibilisation accrue des entrepreneurs et des banques sur les avantages des sûretés mobilières est également nécessaire pour en démocratiser l’usage. De plus, une amélioration des mécanismes de recouvrement en cas de défaillance permettrait de renforcer la confiance des créanciers.

 En outre, la mise en place de bases de données centralisées et d’un registre numérique des garanties mobilières faciliterait la vérification et la traçabilité des sûretés, réduisant ainsi les risques d’abus et de double affectation d’un même bien en garantie. Une réforme des mécanismes de saisie et de vente des biens mobiliers est également nécessaire pour accélérer la réalisation des garanties et sécuriser davantage les prêteurs. Enfin, les banques doivent être incitées à diversifier leurs garanties et à considérer les sûretés mobilières comme un levier stratégique de financement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Les États membres de l’OHADA doivent également renforcer l’accompagnement des institutions financières dans l’adoption de pratiques plus souples et adaptées aux réalités économiques des entreprises locales.

En sommes, les sûretés mobilières représentent un instrument essentiel pour améliorer l’accès au crédit dans l’espace OHADA. Bien que leur potentiel soit encore sous-exploité, elles offrent des solutions adaptées aux réalités économiques des entreprises locales. Pour en faire un véritable levier de financement, il est impératif de lever les obstacles administratifs et juridiques qui freinent leur utilisation. Une meilleure intégration des sûretés mobilières dans les pratiques bancaires et entrepreneuriales pourrait ainsi favoriser la croissance économique et le développement des entreprises dans l’espace OHADA.

Quelle forme de sûreté mobilière estimez-vous offrir le meilleur levier de financement dans l’espace OHADA ? Partagez vos avis et suggestions dans les commentaires !

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      Arnaud GBESSEMEHLAN

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