LES DONNEES PERSONNELLES DANS L’ECONOMIE INFORMELLE BENINOISE : ENJEUX ET PERSPECTIVES DE REGULATION

Au Bénin, comme dans de nombreux pays africains, l’économie informelle constitue le socle de l’activité économique. Selon la Banque mondiale, ce secteur représente une part importante de l’économie nationale et emploie la majorité de la population active. Avec l’essor des technologies numériques, les acteurs de l’informel s’appuient de plus en plus sur des outils comme le paiement mobile, les réseaux sociaux ou les plateformes de commerce en ligne pour élargir leur clientèle et simplifier leurs transactions.
Cependant, cette transition numérique n’est pas sans conséquences pour la protection des données personnelles. Les commerçants, artisans et travailleurs indépendants, souvent mal informés des enjeux liés à la confidentialité des données, s’exposent à des risques accrus. Cet article explore les implications de cette mutation numérique pour l’économie informelle au Bénin, tout en proposant des pistes pour une régulation adaptée.

1- La numérisation de l’économie informelle au Bénin : une opportunité en pleine croissance

Dans les marchés du pays, ainsi que dans les rues, il est désormais courant de voir des vendeurs utiliser des applications de paiement mobile comme MoMo ou Moov Money. Ces outils, pratiques et rapides, permettent de contourner les contraintes liées à la gestion du cash, tout en offrant une traçabilité des transactions.
De plus, les réseaux sociaux tels que WhatsApp, Facebook et Instagram jouent un rôle croissant dans la promotion des biens et services. Des couturiers, des restaurateurs ou des artisans diffusent leurs catalogues à leurs clients via des groupes ou des pages, augmentant ainsi leur visibilité.
• Cas pratique : Par exemple, une couturière de Porto-Novo peut recevoir des commandes via WhatsApp et utiliser MoMo pour les paiements. Cela lui permet d’élargir son marché bien au-delà de sa localité habituelle.
• Les données collectées : Ce modèle génère une accumulation de données sensibles telles que les noms, numéros de téléphone, adresses, historiques d’achat et préférences des clients.

2- Les risques liés à la collecte et à l’utilisation des données personnelles dans l’informel

Malgré les avantages qu’apporte la numérisation, elle expose les acteurs de l’économie informelle béninoise à plusieurs risques :
Absence de régulation spécifique
Le Code du numérique béninois, bien qu’avancé, est principalement orienté vers les grandes entreprises et les institutions. Les micro-entrepreneurs, souvent non enregistrés, opèrent en dehors de tout cadre légal structuré, ce qui complique l’application des dispositions sur la protection des données personnelles.
Exploitation des données par des tiers
Les opérateurs téléphoniques et les plateformes numériques collectent une masse de données sur les transactions et interactions. Ces informations peuvent être revendues ou utilisées à des fins de ciblage publicitaire sans le consentement explicite des commerçants ou des consommateurs.
Vulnérabilité face à la cybercriminalité
L’absence de sensibilisation expose les travailleurs de l’informel à des arnaques en ligne, des vols de données ou des escroqueries basées sur l’ingénierie sociale. Par exemple, un commerçant utilisant WhatsApp pour son activité pourrait être victime de piratage, compromettant ainsi ses informations et celles de ses clients.
Atteinte à la vie privée des consommateurs
Les clients des commerçants informels, eux aussi, voient leurs données exposées. Une mauvaise gestion ou un partage involontaire de leurs informations personnelles peut entraîner des conséquences graves, telles que l’usurpation d’identité

3- Perspectives pour une régulation adaptée au contexte béninois

Pour encadrer efficacement la protection des données dans l’économie informelle, il est essentiel d’adopter une approche pragmatique et inclusive :
Élargir le champ d’application du Code du numérique
Le Code du numérique béninois pourrait être modifié pour inclure explicitement les activités de l’économie informelle. Cela nécessiterait :
• Des procédures simplifiées pour enregistrer les micro-entreprises.
• Une sensibilisation accrue sur les obligations et droits liés à la gestion des données personnelles.
Renforcer la sensibilisation des acteurs de l’informel
Les initiatives de formation devraient cibler spécifiquement les commerçants et travailleurs indépendants, afin de :
• Leur expliquer les risques liés à l’exposition des données.
• Leur fournir des outils simples pour sécuriser leurs transactions et échanges numériques.
Développer des plateformes locales adaptées
Des solutions technologiques conçues au Bénin pourraient offrir des alternatives sécurisées et adaptées aux réalités locales. Par exemple :
• Une plateforme de paiement mobile intégrant des protections renforcées pour les données.
• Des réseaux sociaux locaux où les politiques de confidentialité sont transparentes et conformes aux lois nationales.
Instaurer des partenariats public-privé
Le gouvernement pourrait collaborer avec des entreprises technologiques pour développer des campagnes de sensibilisation et des solutions adaptées. Cela inclurait la mise en place d’un fonds dédié à la modernisation numérique de l’économie informelle.

La numérisation de l’économie informelle au Bénin est une opportunité pour dynamiser ce secteur clé de l’économie. Cependant, elle nécessite une réflexion approfondie sur la protection des données personnelles, à la fois pour les acteurs de l’informel et pour leurs clients. En adaptant les cadres légaux, en renforçant la sensibilisation et en développant des solutions technologiques adaptées, le Bénin pourrait devenir un modèle d’intégration numérique inclusive et respectueuse des droits des citoyens.

Arthur. W. ARAYE

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