LE DROIT À LA PORTABILITÉ DES DONNÉES PERSONNELLES : UN POUVOIR POUR LES UTILISATEURS OU UN CAUCHEMAR POUR LES ENTREPRISES ?

Les données à caractère personnel sont devenues une ressource précieuse, souvent comparée à l’or noir du XXIe siècle. La maîtrise de ces données est indispensable, tant pour les individus que pour les entreprises.

C’est dans ce contexte que le droit à la portabilité des données à caractère personnel, introduit par le Code du Numérique du Bénin en son article 438 du livre cinquième, prend tout son sens.

Selon cette disposition, ce droit permet aux personnes concernées de : « recevoir les données à caractère personnel les concernant qu’elles ont fournies à un responsable du traitement, dans un format structuré, couramment utilisé et lisible par machine, et de transmettre ces données à un autre responsable du traitement sans que le responsable du traitement auquel les données à caractère personnel ont été communiquées y fasse obstacle, lorsque le traitement est fondé sur le consentement ou sur un contrat et le traitement est effectué à l’aide de procédés automatisés ».

Ce droit vise à donner aux utilisateurs un pouvoir renforcé sur leurs informations personnelles, leur permettant de transférer leurs données d’un fournisseur de services à un autre facilement.

Mais cette avancée légale soulève autant d’opportunités que de défis.

Loin d’être une simple formalité juridique, le droit à la portabilité des données représente un véritable changement de paradigme dans la relation entre les individus et les entreprises. Il marque un tournant vers une ère où les utilisateurs ne sont plus de simples sujets passifs de la collecte de données, mais deviennent des acteurs autonomes, maîtres de leurs informations personnelles.

Cette nouvelle donne s’accompagne d’une multitude d’implications, tant pour les individus que pour les entreprises. 

La portabilité: un pouvoir aux mains des utilisateurs

Avec la portabilité, les utilisateurs gagnent en autonomie numérique, car ils ne sont plus captifs d’un fournisseur unique. Par exemple, un utilisateur peut récupérer ses données de son réseau actuel pour transférer vers une nouvelle plateforme, évitant ainsi de perdre son identifiant (adresse) de télécommunication. Un patient peut récupérer ses dossiers médicaux de différents hôpitaux et les transférer à un nouveau prestataire de soin. Cela permet une continuité des soins et une meilleure coordination entre les différents professionnels de santé.

La possibilité de récupérer ses données permet également aux utilisateurs de surveiller et de contrôler les informations détenues par différentes entreprises. Cela peut conduire à une meilleure gestion des consentements et à une réduction des pratiques de collecte excessive de données. Par exemple, un utilisateur peut exporter l’historique de ses recherches et de sa navigation web depuis un moteur de recherche ou un navigateur et l’importer dans un autre, ce qui permet de conserver ses préférences et de bénéficier d’une personnalisation continue.

Ensuite, le processus de changement de fournisseur devient plus transparent et simple, réduisant les conflits. Par exemple, un utilisateur peut transférer ses playlists, ses préférences et ses historiques d’écoutes d’un service de streaming musical à un autre, ce qui facilite le passage de plateforme comme Spotify à Apple Music ou Tidal sans perdre ses données.

En réduisant les coûts associés au changement de fournisseur (comme le temps et l’effort nécessaires pour transférer les données), le droit à la portabilité encourage les utilisateurs à explorer des alternatives qui pourraient mieux répondre à leurs besoins. Un utilisateur peut déplacer ses fichiers et dossiers d’un service de stockage en ligne (comme Google Drive) à un autre (comme Dropbox ou OneDrive) sans avoir à télécharger et re-télécharger manuellement chaque fichier.

Puis, pour attirer des clients qui pourraient facilement changer de fournisseur, les entreprises sont incitées à innover et à améliorer continuellement leurs services. Cela peut conduire à une offre de produits et services de meilleure qualité. La possibilité de transférer facilement les données financières personnelles d’une banque à une autre permet aux utilisateurs de changer de fournisseur en fonction des taux d’intérêt, des frais bancaires ou des services offerts, stimulant ainsi la concurrence dans le secteur bancaire.

En ayant la capacité de transférer leurs données, les utilisateurs ont plus de poids dans leurs relations avec les entreprises, ce qui peut entraîner une meilleure personnalisation des services et un plus grand respect de leurs préférences et droits. 

La portabilité: un cauchemar pour les entreprises

Le cauchemar dont il est question réside dans la complexité de la mise en œuvre du droit à la portabilité, des risques de sécurité et de possibilité de perte de la clientèle des entreprises.

La mise en œuvre de systèmes permettant la portabilité des données nécessite souvent des investissements significatifs en technologie. Les entreprises doivent développer ou adopter des formats de données standardisés, créer des interfaces pour le transfert de données, et assurer la compatibilité avec d’autres systèmes. Par exemple, pour des plateformes comme Facebook, la mise en place de mécanismes pour exporter toutes les photos, messages, contacts et autres données utilisateur de manière sécurisée et structurée représente un défi technique majeur.

En plus des coûts technologiques, les entreprises doivent former leur personnel et peut être recruté des spécialistes en protection des données et en sécurité informatique pour gérer les demandes de portabilité. 

De même, le transfert de données personnelles doit être sécurisé pour éviter toute interception ou altération. Les entreprises doivent utiliser des méthodes de cryptage robustes et s’assurer que les données ne sont accessibles qu’aux parties autorisées. Elles doivent notamment s’assurer que les données transférées sont protégées contre les accès non autorisés et les violations de sécurité.

Les entreprises doivent également s’assurer que les transferts de données respectent les régulations locales et internationales sur la protection des données, ce qui peut être complexe, surtout pour les entreprises opérant dans plusieurs juridictions. 

Aussi, la facilité de transfert des données peut augmenter la volatilité de la clientèle. Les entreprises doivent donc redoubler d’efforts pour fidéliser leurs clients. 

Les coûts associés à la rétention des clients peuvent augmenter, car les entreprises devront investir davantage dans des stratégies de marketing, des offres spéciales et des améliorations de produits pour empêcher les utilisateurs de partir. 

La portabilité, une question de justice sociale

Le droit à la portabilité des données représente un juste équilibre entre les droits des individus et les intérêts légitimes des entreprises. Il permet aux utilisateurs de reprendre le contrôle de leurs données tout en encourageant la responsabilité des entreprises en matière de gestion des données à caractère personnel.

Le droit à la portabilité des données à caractère personnel représente un outil puissant pour les utilisateurs, leur offrant plus de contrôle et de flexibilité. 

Cependant, pour les entreprises, cela peut représenter un défi majeur en termes de mise en œuvre technique, de sécurité et de fidélisation de la clientèle. 

La clé pour transformer ce ‘’cauchemar ‘’ en opportunité réside dans l’innovation et l’amélioration continue des services pour répondre aux besoins et attentes des utilisateurs. 

En fin de compte, un marché plus compétitif et centré sur le consommateur pourrait émerger de ces défis, bénéfique à long terme pour les deux parties.

Pour en apprendre davantage, veuillez nous contacter au www.360conseils.com ou infos@360conseils.com.

 Hogbé Hoïcs Cyrcolet BOCOVO

× Puis-je vous aider ?