Une plainte, et tout peut basculer : comment l’Autorité de Protection des Données Personnelles peut frapper fort ?

Les organismes sont aujourd’hui confrontés à une réalité incontournable : la gestion des données personnelles n’est plus une option, c’est une obligation légale. Les personnes concernées (employés, clients, utilisateurs, visiteurs…) sont de plus en plus conscients de leurs droits en matière de données personnelles, et lorsqu’elles estiment que leurs informations sont traitées de manière incorrecte, une simple plainte peut entrainer une série d’évènements qui bouleversent tout. L’Autorité a le pouvoir de déclencher un contrôle rigoureux, avec des sanctions potentiellement dévastatrices.

Mais cela se passe-t-il concrètement ?


Le pouvoir insoupçonné d’une plainte individuell
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La protection des données à caractère personnel est au cœur des préoccupations des régulateurs. Selon le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) en Europe, toute personne a le droit de déposer une plainte si elle estime que ses données sont maltraitées, non sécurisées ou utilisées à des fins non autorisées. Ce droit est garanti par la législation, et une plainte peut être déposée directement auprès de l’autorité compétente.

Revenant à notre contexte national, l’article 448 du livre cinquième de la loi N°2017-20 du 20 avril 2018 portant Code du Numérique en République du Bénin modifiée par la loi N°2020-35 du 06 janvier 2021 dispose : « Sans préjudice de tout autre recours administratif ou juridictionnel, toute personne concernée a le droit d’introduire une réclamation auprès de l’Autorité, si elle considère que le traitement de données à caractère personnel la concernant constitue une violation des dispositions du présent livre.

L’Autorité informe l’auteur de la réclamation de l’état d’avancement et de l’issue de la réclamation, y compris de la possibilité d’un recours juridictionnel en vertu de l’article suivant ».

Ces dispositions permettre de comprendre que le principe fondamental de la protection des données personnelles repose sur le respect des droits des personnes concernées.

A titre d’exemple, imaginons qu’un client découvre que ses données de paiement ont été utilisées sans son consentement pour un achat qu’il n’a pas autorisé. Il peut alors déposer une plainte auprès de l’autorité de protection des données, qui commencera l’enquête. Cela peut concerner non seulement une violation de la confidentialité des données personnelles mais aussi des pratiques commerciales trompeuses.

Bien que cette plainte provienne d’un seul individu, elle constitue un signal d’alerte pour l’autorité. Si cette plainte est fondée, elle pourrait déclencher un examen plus large des pratiques de l’organisme, ce qui pourrait mettre en lumière d’autres non-conformités.

    Une plainte qui met l’organisme sous surveillance

    Lorsqu’une plainte est déposée, l’Autorité doit d’abord vérifier sa recevabilité et son bien-fondé. Si l’autorité considère que la plainte est légitime et qu’elle soulève un problème sérieux, elle peut ouvrir une enquête. Cette enquête peut inclure un contrôle in situ des pratiques de l’organisme, des audits des processus de collecte et de stockage des données, des examens des contrats de sous-traitance et de la mise en place de mesures de sécurité des données.

    Prenons le cas d’une entreprise de marketing qui utilise des données clients sans avoir obtenu leur consentement explicite. Si un consommateur dépose une plainte, l’Autorité pourrait enquêter sur la manière dont l’entreprise collecte les données et les utilise. Elle pourrait découvrir que l’entreprise ne respecte pas les principes de traitement des données énoncés dans les articles 383, 384 et 385 du Code du Numérique Béninois, en particulier en ce qui concerne la collecte de données sans consentement préalable.

    Cette phase de surveillance implique que l’entreprise doit coopérer pleinement avec l’autorité. Toute obstruction ou tentative de dissimulation peut aggraver la situation et entraîner des sanctions supplémentaires. C’est d’ailleurs cette obligation de coopération que nous explique l’article 488 du livre V du Code du Numérique du Bénin : « Les ministres, autorités publiques, dirigeants d’entreprises publiques ou privées, responsables de groupements divers et plus généralement les détenteurs et utilisateurs de traitements ou de fichiers de données à caractère personnel ne peuvent, en principe, s’opposer à l’action de l’Autorité. Ils doivent prendre toutes mesures utiles afin de lui faciliter sa mission ».


    Les sanctions sévères qui suivent l’infraction

    Les organismes qui enfreignent la législation sur la protection des données personnelles s’exposent à des sanctions sévères. Les amendes peuvent être considérables. Le RGPD prévoit des amendes pouvant atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise ou 20 millions d’euros, selon le montant le plus élevé. Cette sanction financière peut être dévastatrice, mais ce n’est pas la seule conséquence.

    Entre 2019 et 2020, l’autorité britannique de protection des données a infligé une amende de plusieurs millions de livres sterling à British Airways après qu’une faille de sécurité ait exposé les données de centaines de milliers de clients. Cette sanction a été l’une des plus élevées, mais elle n’est pas un cas isolé. Des entreprises comme Google et Amazon ont également été sanctionnées pour des violations de la législation sur la protection des données.

    Outre les amendes, l’autorité peut ordonner des mesures correctives telles que la révision complète des pratiques de gestion des données, la mise en place de nouvelles politiques de sécurité des informations, ou l’obligation de fournir des compensations aux victimes de la violation.

    Au Bénin, selon les dispositions de l’article 452 et suivants du livre V du Code du Numérique, les sanctions peuvent aller d’avertissement, en passant par la confiscation des supports matériels des données, l’interdiction de gestion de toute société pendant 02 ans maximum, des amendes allant jusqu’à 100.000.000 F CFA ainsi que des peines privatives de liberté allant jusqu’à 10 ans.

    Dans la pratique, plusieurs organismes ont été sanctionnés par l’Autorité.

    L’impact sur la réputation : l’effet domino

    L’impact d’une plainte ne se limite pas à l’aspect juridique. La réputation d’un organisme peut en pâtir lourdement. En effet, les personnes concernées sont de plus en plus soucieux de la manière dont leurs données sont traitées. Lorsqu’un organisme fait l’objet d’une enquête ou d’une sanction, sa réputation peut être irrémédiablement entachée.

    Après le scandale de Cambridge Analytica, où des millions de données Facebook ont été collectées sans consentement pour influencer des campagnes politiques, Facebook a vu sa réputation se détériorer. L’entreprise a dû faire face à une baisse de la confiance de ses utilisateurs et à des perturbations dans ses activités commerciales. La société a également été lourdement sanctionnée par plusieurs autorités de protection des données à travers le monde.

    L’effet domino de cette dégradation de la réputation peut être extrêmement rapide : des clients cessent d’utiliser les services de l’entreprise, des partenaires commerciaux peuvent rompre leurs accords, et des investisseurs peuvent se retirer. Le temps nécessaire pour reconstruire une réputation de confiance peut être long et coûteux.

    Les stratégies de prévention : mieux vaut prévenir que guérir

    L’une des meilleures manières pour un organisme de se protéger contre ces risques est d’adopter une approche proactive en matière de protection des données. Cela inclut non seulement le respect strict des lois, mais aussi la mise en place de bonnes pratiques internes.

    Par exemple, une entreprise peut instaurer des audits réguliers de ses pratiques de gestion des données, former son personnel sur les bonnes pratiques de sécurité des informations et s’assurer que tous les contrats avec des tiers respectent les obligations de protection des données. De plus, elle doit garantir la transparence dans la manière dont elle collecte et utilise les données des clients, notamment en obtenant un consentement explicite pour chaque utilisation.

    Le rôle des autorités : garantes d’une protection forte des données personnelles

    Les autorités de protection des données jouent un rôle clé dans la mise en œuvre de la législation et la garantie des droits des citoyens. Elles sont armées de pouvoirs d’enquête et de sanction, et leur mission consiste à faire respecter les normes de protection des données. Leur rôle est d’assurer que les organismes respectent les droits fondamentaux des individus, mais aussi de décourager les violations par des sanctions dissuasives.

    Les autorités n’hésitent pas à infliger des amendes substantielles et à ordonner des mesures correctives pour assurer que les entreprises se conforment aux normes de sécurité des données.

    Un risque à ne pas sous-estimer

    Une simple plainte d’un individu peut devenir le catalyseur d’une série d’événements qui perturbent profondément une entreprise. L’intervention de l’autorité de protection des données personnelles peut entraîner une enquête, des sanctions sévères et des dommages irréparables à la réputation de l’organisme. Il est donc indispensable pour toutes les organismes de prendre très au sérieux la gestion des données personnelles et de respecter strictement la législation en vigueur.

    Le prix à payer pour ne pas être conforme peut être bien plus élevé que prévu. Un organisme proactif, transparent et responsable peut éviter ce piège, mais une organisation qui néglige ses obligations risque de voir une plainte individuelle se transformer en une catastrophe juridique et commerciale.


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