Le droit à l’anonymat, pour quelles fins ?

Vous l’aurez vu une fois sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter… des comptes sans images -ou des images qui ne permettent pas d’identifié la personne-, sans noms -ou avec des pseudos fantaisistes-. Les intentions ou finalités de ses comptes sont diverses et peut être catégorisé en un double aspect, positif et négatif. Positivement, il peut s’agir de cacher son identité à une personne ou un groupe de personne, profité de la renommée d’un nom (nous avons même récemment vu des profils avec le nom Covid19), ou négativement, conception la plus répandue, pour escroquer la victime ignorante. 

Mais pris dans sa réalité positive, la volonté de se cacher n’est pas nouveau dans nos sociétés africaines, où nul n’admet une ingérence dans sa vie privée, où parfois, même à l’âge adulte, certains descendants ignorent les prénoms des parents, qu’à préservant l’anonymat, certainement pour motif de respect de l’autorité parentale de la part des enfants. Par contre, l’on ne cesse de critiquer l’anonymat sur internet. L’ancienne Ministre française, Nadine Morano, a même publiquement critiqué la pratique de l’anonymat sur le réseau social Twitter comme s’il s’agissait en réalité de lâcheté.

Ceci pourrait expliquer le silence des législateurs, dont celui du Bénin, de proclamer solennellement ce droit dans les textes de lois. Nonobstant, le droit à l’anonymat, contrairement aux idées qui lui sont attribués, a des fondements légaux, biens qu’un peu éparses. Dans le Code du Numérique, deux dispositions permettent de mettre en assise « le droit à l’anonymat ».

La première justification se trouve dans l’art 396 duCode du Numérique, qui ne permet le traitement ultérieur de données à caractère personnel à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, que lorsqu’il est effectué à l’aide de données anonymes.

La seconde justification, dans l’al2 de l’art 501 qui reconnait un droit à l’anonymat restreint aux éditeurs non professionnel de service de communications au public en ligne, sous réserve de détenir près du fournisseur de service en ligne, les éléments d’identification prévus à l’alinéa 1 dudit article.

L’anonymat des éditeurs non professionnels de contenu ainsi consacré, comprend toute personne physique ou morale, non commerçante, les organisations de la société civile, un citoyen…

A vérité, contrairement aux idées reçues, la consécration du droit à l’anonymat vise a protégé deux droits fondamentaux de l’homme que sont : le droit à la vie privée et la liberté d’expression. 

Le choix de l’anonymat n’est pas a priori un aveu de lâcheté, mais le choix et la nécessité de protéger sa vie privée sur internet. Il n’est plus a démontré sur internet l’ingérence silencieuse, du fait de la volatilité de la notion d’identité numérique, du morcellement des données d’identification et de la technicité de plus en plus croissante des applications informatiques et des algorithmes ; nous ne savons pas toujours grâce à quoi et par quel moyen nous pouvons être identifiés, ou qui utilise nos données personnelles.

Le choix de l’anonymat sur internet n’est pas un aveu de lâcheté, mais un nouveau moyen de jouir pleinement de sa liberté d’expression afin de se mettre à l’abri des pressions des tiers. Il n’est plus a démontré l’influence de l’internet sur la gouvernance politique de nos autorités politiques ; le juriste Lazare HOUNSA parle « du surveillant surveillé » (en parlant du citoyen qui surveille dorénavant le gouvernant avec internet). L’anonymat donne une dimension charmante à la liberté d’expression, gage de la dénonciation de la mauvaise gouvernance, d’informer le public sur les menaces aux droits et libertés dont il titulaire, de développer son entreprise…

Aussi, faut-il rappeler que dans certains Etats dans lesquels la société civile appelle à une identique conception de notre liberté d’expression, l’anonymat est un moyen de résistance face à la censure et un moyen de relayer l’information contradictoire. Le plus bel exemple est sans doute incarné par Zhou Shuguang, blogueur chinois subversif ayant écrit sous le pseudonyme de « Zola » et qui en 2008 a été assigné à ne pas sortir en dehors de sa ville natale.

Les internautes ont vu leur liberté d’expression prendre une tournure bien plus effective : la consécration d’un anonymat encadré par la loi est devenu un moyen de s’exprimer librement, bien évidemment dans le respect de la loi, sur un espace conférant une invisibilité infinie. L’anonymat ainsi garanti a permis à une génération de citoyens internautes de s’exprimer, d’informer, de participer au débat public, de diversifier l’offre culturelle et de partager bien d’autres choses encore. Mieux, la justice sud-coréenne va jusqu’à reconnaitre, l’anonymat indispensable à la liberté d’expression (Julien L., « La justice sud-coréenne juge l’anonymat indispensable à la liberté d’expression », Numerama, 24 août 2012, [http://www.numerama.com/magazine/23499-la-justice-sud-coreenne-juge-l-anonymat-indispensable-a-la-liberte-d-expression.html]).

L’anonymat est, -pour paraphraser le professeur Philippe Malaurie-, « l’honneur du droit », face aux ingérences dans la vie privée de l’internaute. C’est la nouvelle armure du e-citoyen pour surveiller le surveillant, pour éclore son entreprise. Sa relativité ne doit surtout pas ignorer, car dura doit rester lex

Odric M. HOUNDEKON

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