La digitalisation des services publics au Bénin : entre modernisation et défis de protection des données personnelles
Au Bénin, la digitalisation des services publics représente un tournant décisif vers une administration moderne et accessible. Grâce à diverses initiatives technologiques, le gouvernement béninois réaffirme son engagement à améliorer l’efficacité de ses services, tout en réduisant les contraintes administratives pour ses citoyens. Toutefois, cette transformation numérique soulève des questions fondamentales sur la gestion et la protection des données personnelles.
1- L’état de la digitalisation des services publics au Bénin
Depuis quelques années, le Bénin a multiplié les efforts pour intégrer le numérique dans son administration publique. Des plateformes telles que e-services.bj permettent aujourd’hui d’effectuer diverses démarches administratives, notamment :
• La demande et le retrait d’actes de naissance ou de certificats de nationalité.
• Le paiement des impôts et taxes en ligne.
• Les inscriptions à certains concours administratifs.
• L’obtention de permis de construire ou d’autres autorisations.
Ces progrès facilitent l’accès aux services publics, réduisent les files d’attente et renforcent la transparence. Ils s’inscrivent dans une stratégie nationale plus large, définie dans le Plan Bénin Révélé, visant à faire du numérique un levier de développement économique et social.
Malgré ces avancées, certains défis subsistent. En zone rurale, l’accès limité à Internet et aux technologies freine l’utilisation des services numériques. Par ailleurs, les compétences numériques de certains citoyens, notamment les personnes âgées ou peu alphabétisées, constituent une barrière à l’adoption généralisée.
2- Les défis de la protection des données personnelles
La digitalisation des services publics implique la collecte massive de données personnelles sensibles, telles que :
• Les informations d’identité (nom, prénom, adresse, date de naissance).
• Les données financières et fiscales.
• Les informations liées à la santé ou à l’état civil.
La gestion de ces données expose les citoyens à plusieurs risques :
• Cyberattaques et violations de données : des infrastructures technologiques insuffisamment protégées pourraient devenir la cible de pirates informatiques, comme cela a été observé dans d’autres pays africains.
• Usage abusif ou non autorisé des données : sans régulation stricte, les données collectées pourraient être partagées ou commercialisées à des tiers sans le consentement des citoyens.
• Absence de sensibilisation : beaucoup de Béninois ne sont pas conscients de leurs droits en matière de protection des données personnelles, ce qui les rend vulnérables.
Le Code du numérique béninois prévoit des dispositions claires pour réguler la collecte et le traitement des données personnelles. Par exemple, il impose aux entités publiques et privées de recueillir le consentement des citoyens avant toute utilisation de leurs données. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions administratives et pénales. Toutefois, l’application effective de ces dispositions reste un défi. Les institutions publiques manquent souvent de ressources financières et humaines pour surveiller efficacement les pratiques numériques.
3- Concilier innovation et protection des données
Pour que la digitalisation des services publics soit pleinement bénéfique, il est essentiel de mettre en place des mesures visant à protéger les données personnelles des citoyens. Voici quelques pistes d’action adaptées au contexte béninois :
• Renforcement de la cybersécurité : Investir dans des infrastructures technologiques sûres et recruter des experts en cybersécurité pour prévenir les attaques et les fuites de données. La création d’un Centre national de réponse aux incidents de sécurité informatique pourrait être une solution.
• Sensibilisation et formation : Informer les citoyens sur leurs droits en matière de protection des données personnelles, tout en formant les agents publics à une gestion éthique et sécurisée des données. Des campagnes nationales, soutenues par des organisations comme l’Agence des Services et Systèmes d’Information (ASSI), peuvent jouer un rôle crucial.
• Renforcement des capacités institutionnelles : Doter les organismes de régulation, comme l’ASSI, des moyens nécessaires pour surveiller et sanctionner les violations. Cela inclut également la mise en place d’un registre national des traitements de données, accessible au public.
• Collaboration avec le secteur privé : Encourager les partenariats public-privé pour partager les compétences et les ressources en matière de sécurité informatique. Les startups béninoises spécialisées dans le numérique pourraient contribuer à développer des solutions adaptées aux besoins locaux.
La digitalisation des services publics au Bénin constitue une opportunité majeure pour moderniser l’administration et rapprocher les citoyens des services essentiels. Toutefois, elle nécessite une attention particulière à la protection des données personnelles pour garantir une transition numérique inclusive et sécurisée. En conjuguant innovation technologique et respect des droits des citoyens, le Bénin pourrait devenir un modèle de digitalisation réussie en Afrique. La clé du succès réside dans l’équilibre entre modernisation et protection des droits fondamentaux des citoyens.
Arthur Wilson I. ARAYE
