DROIT BENINOIS DU TRAVAIL : ENTRE PROTECTION JURIDIQUE ET REALITES DE TERRAIN

Le travail est un besoin fondamental et une obligation quotidienne essentielle à l’épanouissement de nos vies. Le droit qui s’y rattache revêt une importance particulière, compte tenu des conditions dans lesquelles il s’exerce. Le droit du travail est un puissant vecteur de convergence économique et sociale. Il joue un rôle clé dans la création et la régulation de l’emploi, tout en instaurant un équilibre dans les relations individuelles et collectives de travail, entre les intérêts de l’employeur et les droits des travailleurs. Son importance dans la vie quotidienne des citoyens est capitale, ce qui lui confère une place de choix dans le droit positif béninois. Contrairement au droit civil et au droit commercial, qui accordent une place prépondérante au patrimoine, le droit du travail place l’homme au cœur de ses préoccupations.


1. Définition et finalités du droit du travail

1.1. Définition

Historiquement connu sous diverses appellations telles que législation industrielle, législation ouvrière, droit ouvrier ou encore législation sociale, le droit du travail est une branche du droit privé. Il se définit comme « l’ensemble des règles juridiques régissant les relations individuelles et/ou collectives qui naissent entre l’employeur et le salarié ».

Pour Gérard Lyon-Caen, professeur à la Faculté de Droit de Dijon, le droit du travail « est l’ensemble des règles qui régissent :

  • l’exploitation du travail humain dans un régime capitaliste ;
  • les instruments de la lutte ouvrière contre cette exploitation ;
  • les résultats de cette lutte, c’est-à-dire les modifications incessantes subies par le régime d’exploitation lui-même ».

Précision

Le droit du travail ne doit pas être confondu avec le droit social, qui est une notion plus large regroupant non seulement le droit du travail, mais aussi le droit de la sécurité sociale. En d’autres termes, le droit social englobe le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Ce dernier a pour objectif de protéger l’individu ou le ménage contre tous les risques sociaux, d’origine professionnelle ou non, susceptibles :

  • d’altérer son revenu en portant atteinte à sa capacité de travail ;
  • d’empêcher sa capacité de travail de s’exprimer ;
  • d’entraîner des dépenses à la charge de l’individu ou du ménage.

1.2. Finalité du droit du travail

La définition du droit du travail peut se résumer en quelques mots : il s’agit de l’ensemble des règles applicables aux relations de travail. Ces règles régissent à la fois :

  • les relations individuelles de travail, issues du contrat individuel de travail (formation du contrat de travail, rémunération, conditions de travail, licenciement, etc.) ;
  • et les relations collectives de travail, notamment celles qui découlent de la présence d’une multitude de travailleurs au service d’un même employeur ou d’un groupement d’employeurs (droit syndical, institutions représentatives du personnel, droit à la négociation, etc.). Cette situation engendre des intérêts communs, défendus grâce à des moyens d’organisation et d’expression consacrés par les textes.

Ainsi, le droit du travail a pour objectif principal la protection du salarié, souvent exposé à des abus de la part de son employeur en raison de sa situation de dépendance. À l’origine, la finalité principale du droit du travail est donc de réglementer les relations de travail en favorisant l’amélioration des conditions de vie et de travail du salarié, à travers un ensemble de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles.

2. Perception d’ineffectivité du droit du travail

Ces dernières années, il est fréquent d’entendre des critiques à l’encontre du droit du travail, souvent jugé inefficace en raison de son lien avec les contingences politiques et économiques. Il est vrai que le droit du travail peut parfois sembler inefficace, car il dépend largement de contingences législatives et administratives. En d’autres termes, son application se heurte à plusieurs obstacles, ce qui rend sa finalité souvent théorique. Au Bénin, deux principales causes peuvent expliquer cette perception d’ineffectivité, liées respectivement au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif.

2.1. Les causes liées au pouvoir exécutif

Ces causes sont principalement d’ordre administratif. Outre le nombre insuffisant de fonctionnaires de l’administration du travail (notamment les contrôleurs, inspecteurs et administrateurs du travail, ainsi que les agents administratifs chargés de les soutenir dans leurs missions), la problématique du rapprochement de l’administration de l’administré se pose avec acuité.

En effet, l’administration du travail est souvent critiquée pour être trop éloignée des entreprises. Cet éloignement est dû non seulement au manque de personnel et de moyens, notamment de véhicules, mais aussi à des distances géographiques importantes.

L’inspecteur du travail est avant tout un acteur de terrain, dont les visites régulières visent à prévenir les conflits individuels et collectifs. Cependant, il est fréquent de constater que le rôle premier de l’inspection du travail a été délaissé au profit du règlement des litiges, principalement individuels. Par ailleurs, les distances considérables entre les inspections du travail et certaines communes rendent difficile l’efficacité du droit du travail. Comment comprendre, par exemple, qu’un salarié licencié à Malanville doive se rendre à Parakou pour déposer une plainte et participer à une séance de conciliation ?

Il serait utile, même après la mise en place des douze directions départementales du travail, d’envisager des déplacements ponctuels sous forme d’audiences foraines, afin d’éviter au travailleur, déjà moralement affecté par la perte de son emploi, des dépenses supplémentaires et les risques liés au trajet. Enfin, le travail « dissimulé » échappe à tout contrôle.

2.2. Les causes liées au pouvoir législatif

Premièrement, il apparaît que le législateur réduit parfois le champ d’application de la réglementation du travail en exigeant un certain effectif dans l’entreprise, conformément aux « lois du nombre ». Par exemple, au Bénin, pour mettre en place des délégués du personnel, un effectif de onze (11) salariés est requis. De même, le règlement intérieur n’est obligatoire que dans les entreprises comptant au moins 15 salariés.

Deuxièmement, les sanctions pénales sont souvent insignifiantes. Les amendes infligées sont généralement dérisoires, et l’emprisonnement est rarement prononcé, voire inconcevable. Par conséquent, la répression telle qu’elle est instituée par le législateur ne parvient ni à dissuader ni à réprimer efficacement. Enfin, l’adoption de certaines lois remet en cause des acquis des travailleurs.

Sègla Mauriac Camus AHOUSSINOU

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